« Reboisons notre communauté » : 200 000 arbres d’ici à 2020

Alertée par le phénomène du déboisement en Haïti, l’organisation Fraternité Valléenne de New York (FV) s’est lancée, depuis juin 2013, dans une campagne intensive de reforestation dans la commune de La Vallée de Jacmel. L’idée est de donner un bon exemple aux acteurs du secteur de l’environnement et de parvenir ensemble à reboiser le pays tout entier.

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C’est un projet très ambitieux, mais les responsables de Fraternité Valléenne ont foi. « Il est urgent de nous mettre sans perdre de temps à la reforestation », dit la présidente de cette organisation d’Haïtiens originaires de La Vallée de Jacmel évoluant à New York depuis près de 40 ans. Marie Calixte Labbé estime que ça fait trop longtemps que nous faisons des discours sur la déforestation et qu’il est temps d’agir.

Les menaces d’inondation, d’érosion et de sécheresse en Haïti ne sont plus un secret pour personne, compte tenu de notre faible couverture forestière (moins de 2%, dit-on). L’abattage anarchique des arbres nous rend encore plus vulnérables. Bien conscients de cette situation, les responsables de Fraternité Valléenne cherchent à se fixer des objectifs à moyen et à long terme, et se battront pour les atteindre.

« Reboiser une communauté est un important projet qu’il faut minutieusement planifier, souligne la présidente. À New York, par exemple, près de 835 000 nouveaux arbres ont été plantés autour de la ville depuis 2007 grâce à un plan de reboisement mis en œuvre par les autorités et les organisations privées. » En effet, ce projet, qui avait pour objectif de base d’introduire 1 million de nouveaux arbres dans toute la ville de New York d’ici à 2017, est déjà sur le point d’atteindre sa limite deux ans à l’avance.

Pour Marie Calixte, il s’agit avant tout d’une question de bonne volonté et de mobilisation commune. « Ce type de réalisation est un excellent exemple à suivre pour nous autres en Haïti », indique celle qui vit à New York depuis plus de 40 ans mais qui est toujours restée attachée à son pays et particulièrement sa ville natale. Elle convient, bien entendu, que nous n’avons pas les mêmes moyens que les new-Yorkais, mais avec la même volonté et si nous nous mettons constamment à l’action, assure-t-elle, nous pouvons réussir à atteindre notre objectif.

« Si c’est la motivation qui nous manque, insiste Mme Labbé, nous devons savoir que les bienfaits de l’arbre sur l’environnement sont mesurables. Par exemple, les acteurs New-yorkais sont déjà bien conscients de l’énorme impact environnemental de ce million de nouveaux arbres sur leur ville : Ils ont la capacité de donner de l’ombre de refroidissement, de capter les émissions de carbone, etc.»

Notons que les arbres déjà existants dans la ville de New York génèrent déjà 27 millions de dollars d’économie d’énergie chaque année. Ils interceptent près de 900 millions de gallons d’eaux pluviales par an, améliorent la qualité de l’eau et préviennent la pollution des eaux de ruissellement. Ils servent aussi de filtres naturels pour les polluants atmosphériques. Des bienfaits concrets dont on pourrait jouir en Haïti.

Semblablement, Fraternité Valléenne s’est fixée comme objectif de faire pousser 200 000 nouveaux arbres sur le territoire de La Vallée de Jacmel d’ici à 2020. Cette campagne intensive de reboisement a été entamée en juin 2013 en partenariat avec la Fédération des associations pour le développement du Sud-Est (FEDADSE), qui a aussi embrassé l’idée. Le projet a réellement pris naissance en 2007, lorsque, alertée par le déboisement de nos villes de province, la Fédération des associations régionales haïtiennes à l’étranger (FARHE) a réalisé un forum sur la question. Ensuite, avec le support financier de FARHE, Solidarité chambellanaise et Fraternité Valléenne ont été les premières à entamer des actions concrètes dans leurs communes respectives : Chambellan et La Vallée de Jacmel.

À La Vallée, les bénévoles ont commencé par des cours de reforestation à l’école des Frères de l’instruction chrétienne (FIC). Ces cours sont aujourd’hui complètement intégrés dans le curriculum de cette école comme une discipline obligatoire et aussi dispensée dans d’autres écoles. « Dès leur plus bas âge, il faut apprendre aux élèves l’importance des arbres, de la plantation et de l’environnement durable. » Les écoliers ont aussi pour mission de partager cette formation avec leurs parents et ils se sont montrés très décidés à participer activement à ce processus de reboisement. Les résultats sont déjà bien tangibles.

« À côté de la plantation, nous essayons aussi d’encourager les Valléens à nous aider bénévolement à prendre soin de ces arbres nouvellement plantés afin de nous assurer de leur croissance. Vous savez, nous ne pouvons tirer profit de nos arbres que s’ils atteignent leur taille maximale », fait remarquer la présidente de Fraternité Valléenne. L’organisation a, en outre, déjà employé un agronome à temps partiel, pour mener les aspects techniques du projet, et recruter des représentants dans toutes les sections communales de La Vallée de Jacmel.

« Nous aimerions pouvoir employer 3 autres agronomes pour mieux étendre nos activités, mais les moyens économiques font défaut », affirme la représentante, encourageant tous ceux qui croient que « le reboisement est la meilleure façon de combattre nos problèmes environnementaux » à les rejoindre dans cette bataille.

Déjà, à l’initiative de FV, un groupe d’étudiants du St Joseph Prep. School de Pennsylvanie (USA) avait effectué, en juillet 2013, une visite de quelques jours à La Vallée de Jacmel pour encourager l’initiative et y apporter leur contribution. Un plus grand nombre d’étudiants y est encore attendu en juillet 2014.

Actuellement, l’organisation travaille en partenariat avec les autorités locales. « Pour un minimum de protection de notre environnement, souligne les responsables, nous cherchons aussi à faire des plaidoyers pour le renforcement et le strict respect des lois haïtiennes liées à l’environnement, notamment celles sur l’abattage des arbres.» Selon eux, ces lois doivent être revues et mises en application en fonction de notre réalité actuelle.

Par-dessus tout, « Reboisons notre communauté » se veut un projet pilote et un modèle pour les autres communes. FV invite donc les autres organisations de son genre à se lancer dans le même mouvement. « Si chaque organisation régionale se lançait dans la même activité, je suis sûre que les résultats seraient bien vite remarquables », conclut la présidente de Fraternité Valléenne.