Des artistes unis pour mettre fin à la violence faite aux femmes

A l’initiative d’Onu-femmes, une pléiade d’artistes d’Haïti et d’autres pays francophones de la Caraïbe ont participé, les 28 et 29 septembre 2012, à un atelier-retraite à Juvénat sur la problématique de la violence faite aux femmes. L’atelier a été couronné par un brunch qui s’est déroulé dimanche, à l’hôtel Karibe, pour faciliter les échanges entre ces artistes et le public.
 
10h30,  il fait un temps calme et peu ensoleillé ce dimanche 30 septembre 2012. Les artistes arrivent peu à peu sur la cour de l’hôtel Karibe. Une ambiance très conviviale commence à se créer près de la piscine où la table garnie est servie depuis bien longtemps. Les salutations pleuvent. Les blagues aussi. Tout le monde se détend. K- libr’ de Mystik 703, BIC, Jean Jean Roosevelt, Manzè et Lòlò se sont installés autour de la première table. Jean Jean Roosevelt mange en fredonnant. Princesse Eud, vêtue tout de noir, avec ses larges boucles d’oreilles, se perd de temps en temps dans son monde à part qu’elle tient juste entre ses mains : son BlackBerry. BIC,  l’artiste le plus détendu de la rencontre, n’est pas habillé de manière détendue, contrairement aux autres artistes.  Pourtant, sa tenue de ville, chemisier vert aux manches longues, cravate noire et pantalon noir, ne l’empêche pas de déployer toute son énergie pour garder le public en haleine avec ses plaisanteries. Sheila Laplanche, responsable de communication à Onu-femmes, s’assure que chacun se sente dans le bain. Les marraines de l’événement, Emmeline Michel et la Martiniquaise Jocelyne Béroard du groupe Kassav, s’assoient en tête à tête. Ils sont nombreux à unir leur voix pour réclamer la soupe au giraumon qui tarde à arriver.

Tout y est. 15 artistes au total: Wanito qui a mangé sa soupe en premier; James germain qui est arrivé en dernier; Stanley Georges; Nicky Christ; les chanteuses martiniquaises Suzy Trébeau et Evelyne Renée Corail; la designer Maguy Durcé qui s’est chargée des habillements; les membres d’Onu-femmes; les représentants du ministère à la Condition féminine et aux droits des femmes, soucieux de l’élimination des violences faites aux femmes; les représentants de l’organisation Tamise, qui a tout coordonné; des journalistes, etc. Onu-femmes a voulu rassembler les artistes de diverses générations et de divers genres musicaux, tout en respectant l’équité de genre. Elle a réussi. C’est, en tout cas, ce que croient Manzè et Lòlò qui en profitent pour vanter le dynamisme de Danielle Magloire qui a su excellemment animer l’atelier.

Durant deux jours entiers, ces artistes ont réfléchi sur la problématique de la violence faite aux femmes. Ils ont échangé à propos de l’influence des arts et de la culture sur les valeurs véhiculées dans les sociétés. Ils ont analysé notamment le poids des stéréotypes – charriés par certaines valeurs – sur les pratiques de violence. Ils ont même commencé à assembler les matériaux pouvant aboutir à la production d’une œuvre artistique sur cette problématique. Ils ont formé une vraie famille. Après cette expérience enrichissante,  ils n’ont pas hâte de repartir.

C’est le début d’une nouvelle aventure pour ces artistes qui se sont engagés dans la lutte contre la violence faite aux femmes. L’activité s’inscrit dans le cadre de la campagne « Tous unis pour mettre fin à la violence contre les femmes », lancée par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. L’atelier est la première activité prévue dans le cadre du lancement de cette campagne en Haiti.

Initiée en 2008, la campagne « Tous unis pour mettre fin à la violence contre les femmes » vise à prévenir et à éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles dans toutes les parties du monde d’ici 2015, date butoir qui coïncide avec celle de la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Elle a été lancée dans la Caraïbe en octobre 2010 avec l’objectif principal de créer un environnement qui permette aux  femmes et aux filles de jouir d’une vie exempte de violence. L’accent dans la région est mis sur l’accès à la justice, la mobilisation sociale et la coordination des actions.

 

Le Sud-Est toujours en état d’urgence, plus d’un mois après Isaac

Un mois après le passage de la tempête tropicale Isaac dans le pays, le Sud-Est, département le plus affecté par cette intempérie, se retrouve dans une situation très précaire. L’état d’urgence qui y a été décrété dans le secteur agricole, sévèrement touché, semble toujours maintenu. Aucune action du gouvernement ni des organisations, pour répondre aux besoins de la population.
 
Mélia Dubreuse a du mal à croire qu’un mois déjà s’est écoulé depuis le passage de la tempête tropicale Isaac, quand elle sort de sa cuisine ce jeudi 27 septembre 2012, pour accueillir ses invités dans sa modeste maison, à  Cap Rouge. Sa cour et ses plantations dévastées par ce violent cyclone donnent l’impression que cela s’est passé hier. Il est 1h 30 p.m., une petite averse de quelques minutes vient de s’abattre sur la localité. Dans son corsage jaune et sa jupe rouge, la tête couverte d’un mouchoir puis d’un chapeau de paille, Mme Dubreuse, dans la cinquantaine, se montre très inquiète pour sa  communauté qui traverse un moment terriblement difficile, à quatre jours de la rentrée scolaire.

 « On serait à l’époque de la récolte du café et de plusieurs autres denrées, si Isaac n’avait pas tout ruiné », confie cette responsable d’organisation de femmes qui n’a plus les moyens d’aider les voisines qui viendront certainement frapper à sa porte. Assis à côté d’elle, en maillot orange et bleu et pantalon noir, teint foncé, crâne rasé, Jules Elère, professeur d’école, regrette que la majorité des parents de la zone ne pourront pas envoyer leurs enfants à l’école cette année, si aucune mesure n’est prise par les autorités pour accompagner ces derniers.

Dans leur entourage, 84 maisons ont été endommagées et 3 autres complètement détruites. Les troncs d’arbres déracinés par la tempête longent encore le bord de la route qui mène à cette section communale de Jacmel, située à une vingtaine de kilomètres du centre-ville. Les habitants de  ce quartier craignent que la période de famine qu’ils sont entrain de vivre actuellement, ne deviennent  insupportable. Les produits de première nécessité déjà en hausse des prix sur le marché deviennent inaccessibles à ces habitants qui n’ont plus d’activité économique. Très peu de paysans ont eu assez de semences en réserve pour refaire leurs jardins, de façon à espérer une prochaine récolte dans trois mois, au moins. Pour ne pas rester les bras croisés, enfants et adultes s’adonnent à la fabrication de charbon de bois à longueur de journée.

Située à près de 800 mètres d’altitude, Cap rouge n’est pas la seule localité dans le Sud-Est à présenter l’aspect d’une zone en état d’urgence. Tout le département, de par sa situation géographique, est très exposé au passage des intempéries. Isaac y a fait 6 morts, 1 disparu et 15 blessés, selon un rapport du Centre d’opération d’urgence départemental, qui fait aussi état de 15 375 familles sinistrées, 1 221 maisons inondées, 2 681 maisons détruites et 11 473 maisons endommagées.

Dans les dix communes du département du Sud-Est, le secteur agricole est, sans aucun doute, le plus affecté par le passage de la tempête. Les cultures les plus touchées sont les plantations de banane plantain, de café, d’arbres fruitiers (avocatiers, arbres véritables, etc.) et celles de saisons (haricot, pois Congo, cultures maraichères, tubercules, etc.), selon une évaluation de la Table sectorielle de concertation du secteur agricole du Sud-Est (TSCSASE). Une perte agricole totale de 4 506 hectares de plantations a été enregistrée, d’après une étude de la Coordination régionale des organisations du Sud-Est (CROSE), selon laquelle les communes les plus touchées sont Marigot, Jacmel, Belle Anse, Cayes Jacmel et Côtes-de-fer. En ce qui à trait à l’élevage et à la pêche, les pertes sont tout aussi considérables : 62 297 têtes de bétail (caprins, bovins, ovins, porcins, équins et volailles) ont été emportés dans l’ensemble du département, notamment dans a partie est (Belle-Anse, Thiotte et Anse-à-Pitres). Dans les huit communes côtières du département, d’énormes pertes en matériel de pêche (nasses, filets, tremails, corallins, yacht, et moteurs) ont été enregistrés.

Un état des lieux réalisé par la Confédération des usagers pour le développement du Sud-Est a mis en évidence les dégâts importants causés par la tempête tropicale sur le réseau des systèmes irrigués du département. Les conséquences de ces dommages peuvent aller jusqu’à rendre ce réseau entièrement dysfonctionnel, selon un rapport de la CROSE qui révèle aussi que des parties du réseau  remplies de sédiments peuvent entraîner l’arrêt de l’alimentation en eau de blocs d’irrigation entiers, ce qui demande beaucoup de travail pour les rendre à nouveau  fonctionnels. Enfin, 282,6 kilomètres de route sont dégradés par le cyclone.

« La tempête Isaac continue encore dans le Sud-Est. Il n’y a pas d’appui réel du gouvernement à l’approche de la rentrée scolaire. Les dispositions prévues par ce dernier n’ont pas vraiment atterri », se désole l’ASEC de Bas Cap Rouge, Ebel Pierre Paul, qui est aussi coordonateur de la Confédération des usagers pour le développement du Sud-Est. Pour lui, le recul d’un mois de la rentrée scolaire n’a servi à rien. 

Seulement 10 millions de gourdes ont été allouées au département pour compenser les dégâts causés par Isaac dans tous les secteurs. « 70% de ce montant a servi à la réhabilitation des routes », souligne M. Pierre Paul, qui estime que les investissements dans le secteur agricole, comme dans des programmes d’irrigation et de conservation de sol, sont beaucoup plus urgents.

Ce dernier fait aussi remarquer que, faute de moyens, les travaux déjà réalisés par la Direction départementale agricole (DDA) au niveau des systèmes d’irrigation sont insignifiants par rapport au degré d’affectation de ces derniers. Les organisations locales et internationales ont effectué plusieurs enquêtes et études, mais aucune action concrète n’a été posée jusqu’ici, selon l’ASEC de Bas Cap Rouge.