Un centre de transformation de produits agricoles a été mis sur pied dans la commune des Roseaux, à Jérémie. Cette réalisation est le fruit d’un partenariat entre les organisations agricoles de la Grand’Anse, notamment Konbit peyizan Wozo (KPWO), Konbit peyizan Grandans (KPGA) et Konbit fanm peyizan Wozo (KFPW), et l’Actionaid Haïti.
Plusieurs centaines de paysans ont assisté le mercredi 23 novembre 2011 à la cérémonie inaugurale du centre de transformation de produits agricoles, à Jérémie. Le bâtiment, récemment construit dans la localité de Roseaux, dispose de 3 unités de travail : l’unité de transformation, qui est un espace doté de moulins, de décortiqueurs et d’autres appareils du genre qui permettront de transformer les produits (pistaches, café grillé, maïs, etc.), la cassaverie, qui est un atelier de transformation de manioc en cassave, et la boutique où des outils de transformation sont accessibles à la population, à un prix réduit. Les responsables ont en perspective de produire dans le Centre, du pain à base d’autres farines que celle du blé. Une démarche qui, selon eux, aidera à réduire l’importation de la farine de blé.
Selon les initiateurs, l’objectif de cette initiative est non seulement d’offrir à la communauté un service de transformation, mais aussi d’améliorer la connaissance technique des planteurs et renforcer KPGA (Konbit peyizan Grandans) qui est un regroupement d’organisations au niveau de la Grand’ Anse.
Lors de la présentation générale du projet, le maître de cérémonie, Mac Donald Michel, Coordonnateur sécurité alimentaire à Actionaid a attiré l’attention sur la crise alimentaire dans le monde. Il a fait ressortir l’importance de la production agricole, qui joue un rôle extrêmement important dans la lutte contre la faim dans le monde. « La nourriture est là. La terre produit suffisamment de nourriture, elle est seulement mal repartie », a-t-il soutenu.
En 2050, a-t-il expliqué, Haïti devrait avoir une population d’environ 18 millions d’habitants, alors que celle du monde sera doublée. Il n’y aura toujours pas de problèmes de nourriture, mais de répartition, a-t-il prédit. « Nous devons donner beaucoup d’importance au secteur agricole, si nous voulons réduire les risques de faim ». « De 1956 à 1989, la couverture végétale est passée de 20% à moins que 2%. Nous devons donc travailler pour changer la réalité », a-t-il ajouté.
Selon les explications de M. Michel, la décision d’instituer dans la Grand’ Anse ce centre de transformation a été prise après plusieurs rencontres entre l’Actionaid et la population de la Grand’ Anse, par le biais de ses organisations locales. Ces rencontres entamées depuis 2009, ont donné lieu à des séances de sensibilisation et de planification, à la construction du centre, puis à des séances de formation pour ceux qui vont le gérer. Cette formation est axée sur la gestion et la comptabilité.
Le coordonnateur exécutif de KPGA, Nicassa Paulément, et François Jean Wesner du Konbit peyizan wozo ont adressé leurs remerciements aux différents participants à cette bataille qui vise à permettre au pays de pouvoir nourrir ses propres enfants. Pour eux, cet atelier est un symbole qui démontre aux dirigeants la nécessité de se pencher vers la production agricole. « Viv manje lakay, manje lakay se patrimwann tout ayisyen ! », a crié M. Paulément.
Pour la représentante du KFPW, Elcia Joseph, ce centre vient apporter une solution à un problème grave auquel la population était confrontée, qui est la perte de sa culture. « Aujourd’hui, avec cet atelier, tous, on peut revenir à notre activité principale qui est de planter », a-t-elle martelé.
« Avant, a-t-elle poursuivi, les denrées pourrissaient, pendant que nous mourrions de faim. Maintenant que nous pouvons les transformer, ils dureront plus longtemps et cela va apporter une amélioration à nos conditions de vie ». Mme Joseph souhaite la continuité de ce genre de projet dans sa communauté.
Le directeur national de l’Actionaid, Jean-Claude Fignolé, a exprimé sa satisfaction quant à la réalisation de ce projet. Il a remercié tous ses collaborateurs ainsi que la communauté des Roseaux qui « n’ont jamais baissé les bras face aux difficultés ». Il a également adressé ses remerciements aux partenaires étrangers : le « Boston Foundation » et le « Moriah Fund », basés aux Etats-Unis, sans lesquels ce projet ne serait possible.
« Après le séisme du 12 janvier, a-t-il révélé, ces fondations nous ont, de manière solidaire, offert le projet des « Moulins ». Ensemble, nous avons pu apporter une réponse aux problèmes de nourriture auxquels étaient confrontés des sinistrés venant de Port-au-Prince. Ces moulins ne sont pas seulement à Roseaux, mais éparpillés dans diverses autres communes de la Grand’ Anse où environ 500 familles en bénéficient ».
Ce petit projet sert, selon le directeur, d’exemple de ce que peut réaliser une communauté unie. Il appelle la population des Roseaux à renforcer ses organisations et les doter de ressources personnelles afin de garder son autonomie. «En les renforçant, nos structures auront plus de démocratie et de transparence. Ainsi, nous pourrons plus facilement faire passer nos revendications et presser les autorités à nous garantir le droit à la nourriture », a-t-il indiqué.
La cérémonie s’est terminée par une bénédiction du père Emmanuel, curé de la paroisse des Roseaux, suivie d’une visite guidée de l’atelier par l’agronome Ameckel Bernard. Le prêtre a fait remarquer que Dieu nous a créés pour que nous gérions sa création. « Nous devons non seulement nous multiplier nous-mêmes, mais aussi multiplier tout ce que Dieu a mis à notre disposition », a-t-il prêché.
Un protocole d’entente a été élaboré et un comité de gestion, constitué de représentants de KPGA, de KPWO et d’Actionaid, a été mis sur pied pour la gestion du centre.
L’Actionaid, qui travaille sur le droit à l’alimentation, a estimé que la transformation des produits agricoles peut être à la fois apaisante et rentable pour les cultivateurs. « Il leur faut avoir la capacité de transformer les produits afin qu’ils ne soient plus gaspillés », a insisté Mac Donald Michel.
L’objectif d’Actionaid est de donner aux habitants les moyens nécessaires pour effectuer cette transformation et de travailler avec eux. « Notre problème est dû à une violation de droit », a ajouté M. Michel. Actionaid n’est pas là pour faire le travail de la communauté, mais l’appuyer. Le partenariat entre l’Actionaid et KPGA, a expliqué Jean Claude Fignolé, tend à apporter des réponses urgentes à tout ce qui a rapport au développement dans le département de la Grand’Anse.