Un souffle d’espoir pour les agriculteurs de Lhomond

A Lhomond, une localité de Miragoâne, le secteur agricole est confronté à tout un ensemble de difficultés qui paralysent son développement. Les jardins et les espaces agricoles dépérissent. La sécheresse y bat son plein. La détresse et le découragement se lisent tout naturellement sur le visage des paysans, lesquels sont pourtant animés du désir de travailler la terre malgré que cette activité devienne de moins en moins rentable.

L’une de leurs principales préoccupations, le non-fonctionnement de la pompe d’irrigation installée dans la section communale depuis quatre ans. L’eau et les canaux sont pourtant là, mais l’appareil n’a jamais pu fonctionner depuis son installation, selon les habitants de la zone qui assimilent cette panne à des problèmes de réglage ou à une mauvaise installation. Cette machine devait pourtant servir à améliorer leurs conditions de travail…

 « Certes, nous n’avons pas participé activement à la mise en place de cette pompe, mais nous l’avons accueillie avec beaucoup de plaisir, pensant qu’elle allait soulager les paysans. C’est vraiment pénible de constater qu’elle n’est pas fonctionnelle », indique Alfred Etienne, président de la Fondation pour le développement économique et social (FODES-5), une organisation très réputée dans la commune de Miragoâne pour ses interventions dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de l’agriculture.

C’est à l’invitation de cette association que le secrétaire d’Etat à la relance agricole, Joseph Vernet, a effectué une visite à Lhomond le week-end dernier afin de rencontrer les paysans et d’évaluer la situation. Au cours de cette rencontre, les besoins les plus urgents ont été exprimés par la population : difficultés pour trouver des semences de bonne qualité et problème de main-d’oeuvre, entre autres. « De nos jours, les jeunes négligent l’agriculture au profit des taxis-motos », explique un agriculteur.

 Après avoir pris connaissance des doléances, le représentant du ministère de l’Agriculture a promis de dépêcher sur place une équipe de techniciens. « Ils pourront faire un meilleur diagnostic de la situation afin de trouver des solutions durables », affirme-t-il, soulignant que le problème n’est pas seulement d’ordre mécanique, mais aussi d’ordre organisationnel. C’est pourquoi le responsable s’engage à établir tout un programme d’accompagnement technique, technologique et social dans cette communauté.

 En ce qui concerne la pompe et tout le système d’irrigation établi dans la région, M. Vernet promet de donner suite à l’entretien par la formation de gens pouvant assurer le suivi. En outre, même réparé, ce système ne pourra irriguer qu’un quart des terres disponibles dans la section communale. Une extension est donc indispensable.

 Le secrétaire d’Etat a parlé de la mécanisation du secteur agricole pour un retour à la terre et une meilleure production agricole dans la zone. Selon lui, les potentialités sont là, il suffit de mieux les valoriser. « Il faut un encadrement des paysans et une orientation vers des marchés où ils pourront écouler leurs produits », indique M. Vernet. D’après lui, les paysans pourront ainsi sortir définitivement de « l’agriculture de subsistance » pour passer à « une agriculture tout à fait rentable ».

Heureusement, conviennent-ils tous, les routes sont en bon état et la zone est déjà bien désenclavée. En conséquence, les résultats économiques sont quasiment garantis. Les paysans de Lhomond sont donc dans l’attente des premières actions concrètes…

Les cicatrices laissées par Sandy dans le Sud

 
L’agriculture est le secteur le plus touché par le passage de la tempête Sandy dans le Sud, département le plus affecté par ces intempéries. Plus de deux semaines après, cette zone riche en productions agricoles diverses peine à se remettre des dégâts. Les réponses des autorités concernées jusque-là se révèlent insignifiantes, puisqu’elles ne ciblent pas vraiment les problèmes d’infrastructures de la région.

Il est 8 heures du matin, des élèves empruntant la route boueuse de Cavaillon-Bercy se dépêchent de rentrer en classe. Les flaques d’eau laissées par les pluies de Sandy y sont encore présentes. Les routes menant vers les localités, si elles ne sont pas complètement impraticables à cause des éboulements, deviennent très dangereuses pour la circulation. L’école Académie chrétienne de Martineau, logée chez le maire de Cavaillon, à proximité de la ville, accueille très peu d’écoliers ce lundi, en raison du mauvais état des routes. Les agriculteurs Will Pharo et Wilner Elysée père de 11 enfants, dans la cinquantaine, viennent partager leur frustration avec le maire de cette commune.  « J’avais plusieurs jardins de pois Congo et de canne à sucre, mais la tempête n’a rien laissé», se plaint M. Elysée dont la source de revenu dépend entièrement de l’agriculture.

« L’agriculture dans notre commune est sévèrement touchée, les gens sont devenus plus vulnérables que jamais », soutient le maire de la commune de Cavaillon, Yves Delva, qui s’inquiète de l’impact de cette situation sur l’économie des paysans.  M. Delva ne présente pas un bilan des dégâts, mais il fait état d’une quantité élevée de plantations dévastées par les eaux, et de maisons endommagées dans sa communauté, dont deux écoles fraîchement construites.  On peut constater que la quasi-totalité des canaux d’irrigation dans la commune de Cavaillon sont complètement bouchés par des remblais. L’accès à la route menant au plus grand hôpital du Sud, l’hôpital Lumière de Bonne-Fin, est difficile et dangereux. La route de Baradères est impraticable.

Il n’y avait pas de système d’irrigation à Laurent, 5e section communale de la ville des Cayes, dont la situation agricole s’est aggravée après le passage de la tempête Sandy. Certains endroits dans cette localité sont devenus totalement impraticables. Située non loin de Cavaillon, Laurent est une zone très vulnérable, compte tenu de ses nombreux mornes et rivières. Sa production principale, le vétiver,  ainsi que les plantations de sorgho, de maïs et de haricots ont sévèrement été touchées, selon le coordonnateur du CASEC de cette localité, Jean Léon Joseph. Les dégâts ont déjà été évalués. L’inondation y a aussi fait 1 mort, détruit 131 maisons et endommagé 349 autres, rapporte,  M. Joseph, qui craint que la faim causée par cette situation ne favorise l’insécurité dans la zone. « Après le désastre, plusieurs cas de vols de bétail ont été enregistrés », informe-t-il, indiquant que la distribution de nourriture par les autorités est un palliatif et qu’il faudrait de plus grandes mesures comme la distribution de matériel, de plantules et d’engrais pour limiter les dégâts et venir en aide aux victimes.

A Mercy-Canse, 5e section communale des Cayes, ce sont les plantations de piment  qui en ont reçu le plus grand coup. « Cultiver du piment est une activité qui coûte très cher, car il y a beaucoup de dépenses liées à l’entretien de cette culture », explique la responsable du CASEC, madame Marie Bernadette Cius, regrettant que les paysans aient perdu tous leurs efforts. Elle fait remarquer que le paysan est actuellement en proie au découragement et est prêt à sauter sur la première occasion d’abandonner le secteur agricole.

Madame Cius pense que les pertes enregistrées auraient pu être moindres si les habitants des zones éloignées avaient la possibilité de construire des maisons plus solides et non dans des zones à risques. Elle banalise les réponses de certaines institutions et du gouvernement qui consistent seulement à la distribution de quelques kits de nourriture ne parvenant même pas à atteindre les personnes les plus affectées. La responsable plaide pour la décentralisation des biens et services, tout en dénonçant le fait que la majorité des distributions se font dans les villes tandis que ce sont les habitants des zones les plus éloignées qui sont généralement les plus affectés lors de ce genre de catastrophe.

Le 3e maire de l’Ile-à-vache, Forestal Serge, révèle que sa commune, qui venait de vivre 7 mois de sécheresse, a été sévèrement touchée.  « Au moins 59 maisons sont complètement détruites et ces gens vivent actuellement sous des tentes distribuées par la DPC et le FAES, indique-t-il. Les paysans ont des difficultés à retrouver des semences pour continuer à planter ».

12 951 familles sinistrées, 90% de l’agriculture détruite, hausse du choléra

En fait, toutes les sections communales du département du Sud présentent des cicatrices laissées par la tempête Sandy. Au total, 12 951 familles sont sinistrées dans tout le département, selon un rapport de la Direction de la protection civile du Sud. 10 950 maisons sont détruites, 1 336 autres sont endommagées, d’après ce même rapport qui montre que les communes de Tiburon, de Saint-Louis-du-Sud et de Camp-Perrin sont les plus affectées avec respectivement 2 622, 2 414 et 1 615 familles sinistrées.

Acteurs et autorités s’entendent sur le fait que l’agriculture est le secteur le plus affecté par le passage de la tempête dans cette région. L’agriculture est détruite à 90%, selon le maire des Cayes, indiquant que les plantations de banane sont détruites à 100%. Un programme cash transfert, révèle ce dernier, sera mis en place par le gouvernement pour permettre aux victimes de recevoir la somme de 1 000 gourdes via leur téléphone portable. Il assure que les ONG travaillent de concert avec les autorités de l’Etat pour apporter des éléments de solution, contrairement aux avis qui font croire que les organisations agissent comme bon leur semble.

Une recrudescence des cas de choléra est signalée par les responsables de différentes sections communales, notamment dans la commune de Maniche. Les difficultés de transport augmentent le risque de mortalité des victimes du choléra, qui, parfois, n’atteignent pas les CTC à temps, selon les autorités locales. Ces derniers estiment que la préoccupation du moment, c’est d’apporter des réponses durables aux problèmes d’infrastructures, d’aider le paysan à remembrer l’agriculture, d’encadrer et de sensibiliser les planteurs à la question de l’environnement et réparer les routes endommagées, en attendant de les construire définitivement.  

Des réponses provisoires aux réponses définitives

Le vice-délégué de l’arrondissement d’Aquin (Aquin, Cavaillon et Saint-Louis-du-Sud), Délinois Délia, est d’avis que les problèmes doivent être posés plus en profondeur, mais  croit que la population a encore besoin de ces  kits d’urgence. D’ailleurs assis à sa table de travail, il prépare lui-même des cartes destinées à être distribuées à la population dans le cadre du programme « Ede pèp » mis en place par le FAES.

Dans la ville des Cayes, la plupart des maisons endommagées sont déjà réparées par leurs propriétaires. Le directeur général de la mairie des Cayes affirme qu’actuellement l’institution est en phase d’évaluation des dégâts. Selon ses propos, la mairie, de concert avec le MTPTC, veut s’attaquer aux problèmes à la base, c’est-à-dire procéder à la démolition de certaines constructions  anarchiques et au déblaiement de certains canaux obstrués qui bloquent la circulation de l’eau. L’hôpital Immaculée conception des Cayes, inondé par Sandy, sera reconstruit ailleurs pour éviter qu’il ait à faire face à la même situation, selon le maire. En attendant d’en arriver là, dit-il, des travaux de réaménagement sont en train d’y être réalisés.

Le délégué départemental du Sud-Est, Serge Chéry, révèle que la construction de la route Cavaillon – Bonne-Fin demeure la priorité du gouvernement. « Mais, dit-il, pour cela, il faut un budget. Pour le moment, de manière provisoire, les autorités vont, sous peu, réparer cette route ».

Beaucoup de projets, mais peu de moyens

Curage des systèmes d’irrigation, distribution de semences, organisation de tables sectorielles pour poser les problèmes de l’agriculture, établissement de gardes forestiers, sensibilisation à travers la radio, ce sont, entre autres les mesures qui seront mises en œuvre par la Direction départementale agricole du Sud, selon M. Chéry. Cependant, tout cela devra nécessiter un gros budget dont les sources de financement ne sont pas encore bien identifiées. C’est une perte totale de 700 millions de dollars qui a été enregistrée sur l’ensemble des secteurs dans tout le pays à cause du passage de la tempête Sandy, selon le porte-parole de la présidence Lucien Jura. Le Premier ministre Laurent Lamothe a, quant à lui, indiqué que 12 milliards de dollars sont nécessaires pour aider Haïti à se relever. Le gouvernement avait, au lendemain de la tempête, décrété l’état d’urgence et appelé à l’aide internationale.

 

Roseaux inaugure son premier centre de transformation de produits agricoles

Un centre de transformation de produits agricoles a été mis sur pied dans la commune des Roseaux, à Jérémie. Cette réalisation est le fruit d’un partenariat entre les organisations agricoles de la Grand’Anse, notamment Konbit peyizan Wozo (KPWO), Konbit peyizan Grandans (KPGA) et Konbit fanm peyizan Wozo (KFPW), et l’Actionaid Haïti.

Plusieurs centaines de paysans ont assisté le mercredi 23 novembre 2011 à la cérémonie inaugurale du centre de transformation de produits agricoles, à Jérémie. Le bâtiment, récemment construit dans la localité de Roseaux, dispose de  3 unités de travail : l’unité de transformation, qui est un espace doté de moulins, de décortiqueurs et d’autres appareils  du genre qui permettront de transformer les produits (pistaches, café grillé, maïs, etc.), la cassaverie, qui est un atelier de transformation de manioc en cassave, et la boutique où des outils de transformation sont accessibles à la population, à un prix réduit. Les responsables ont en perspective de produire  dans le Centre, du pain à base d’autres farines que celle du blé. Une démarche qui, selon eux, aidera à réduire l’importation de la farine de blé.

Selon les initiateurs, l’objectif de cette initiative est non seulement d’offrir à la communauté un service de transformation, mais aussi d’améliorer la connaissance technique des planteurs et renforcer KPGA (Konbit peyizan Grandans) qui est un regroupement d’organisations au niveau de la Grand’ Anse.

Lors de la présentation générale du projet, le maître de cérémonie, Mac Donald Michel, Coordonnateur sécurité alimentaire à Actionaid a attiré l’attention sur la crise alimentaire dans le monde. Il a fait ressortir l’importance de la production agricole, qui joue un rôle extrêmement important dans la lutte contre la faim dans le monde. « La nourriture est là. La terre produit suffisamment de nourriture, elle est seulement mal repartie », a-t-il soutenu. 

En 2050, a-t-il expliqué, Haïti devrait avoir une population d’environ 18 millions d’habitants, alors que celle du monde sera doublée. Il n’y aura toujours pas de problèmes de nourriture, mais de répartition, a-t-il prédit. « Nous devons donner beaucoup d’importance au secteur agricole, si nous voulons réduire les risques de faim ». « De 1956 à 1989, la couverture végétale est passée de 20% à moins que 2%. Nous devons donc travailler pour changer la réalité », a-t-il ajouté.

Selon les explications de M. Michel, la décision d’instituer dans la Grand’ Anse ce centre de transformation a été prise après plusieurs rencontres entre l’Actionaid et la population de la Grand’ Anse, par le biais de ses organisations locales. Ces rencontres  entamées depuis 2009, ont  donné lieu à des séances de sensibilisation et de planification, à la construction du centre, puis à des séances de formation pour ceux qui vont le gérer. Cette formation est axée sur la gestion et la comptabilité.

Le coordonnateur exécutif de KPGA, Nicassa Paulément, et François Jean Wesner du Konbit peyizan wozo ont adressé leurs remerciements aux différents participants à cette bataille qui vise à permettre au pays de pouvoir nourrir ses propres enfants. Pour eux, cet atelier est un symbole qui démontre aux dirigeants la nécessité de se pencher vers la production agricole. « Viv manje lakay, manje lakay se patrimwann tout ayisyen ! », a crié M. Paulément.

Pour la représentante du KFPW, Elcia Joseph, ce centre vient apporter une solution à un problème grave auquel la population était confrontée, qui est la perte de sa culture. « Aujourd’hui, avec cet atelier, tous, on peut revenir à notre activité principale qui est de planter », a-t-elle martelé.

« Avant, a-t-elle poursuivi, les denrées pourrissaient, pendant que nous mourrions de faim. Maintenant que nous pouvons les transformer, ils dureront plus longtemps et cela va apporter une amélioration à nos conditions de vie ». Mme Joseph souhaite la continuité de ce genre de projet dans sa communauté.

Le directeur national de l’Actionaid, Jean-Claude Fignolé, a exprimé sa satisfaction quant à la réalisation de ce projet. Il a remercié tous ses collaborateurs ainsi que la communauté des Roseaux qui « n’ont jamais baissé les bras face aux difficultés ». Il a également adressé ses remerciements aux partenaires étrangers : le « Boston Foundation » et le « Moriah Fund », basés aux Etats-Unis, sans lesquels ce projet ne serait possible. 

« Après le séisme du 12 janvier, a-t-il révélé, ces fondations nous ont, de manière solidaire, offert le projet des « Moulins ». Ensemble, nous avons pu apporter une réponse aux problèmes de nourriture auxquels étaient confrontés des sinistrés venant de Port-au-Prince. Ces moulins ne sont pas seulement à Roseaux, mais éparpillés dans diverses autres communes de la Grand’ Anse où environ 500 familles en bénéficient ».

Ce petit projet sert, selon le directeur, d’exemple de ce que peut réaliser une communauté unie. Il appelle la population des Roseaux à renforcer ses organisations et les doter de ressources personnelles afin de garder son autonomie. «En les renforçant, nos structures auront plus de démocratie et de transparence.  Ainsi, nous pourrons plus facilement faire passer nos revendications et presser les autorités à nous garantir le droit à la nourriture », a-t-il indiqué.

La cérémonie s’est terminée par une bénédiction du père Emmanuel, curé de la paroisse des Roseaux, suivie d’une visite guidée de l’atelier par l’agronome Ameckel Bernard. Le prêtre a fait remarquer que Dieu nous a créés pour que nous gérions sa création. « Nous devons non seulement nous multiplier nous-mêmes, mais aussi multiplier tout ce que Dieu a mis à notre disposition », a-t-il prêché.

Un protocole d’entente a été élaboré et un comité de gestion, constitué de représentants de KPGA, de KPWO et d’Actionaid, a été mis sur pied pour la gestion du centre.

L’Actionaid, qui travaille sur le droit à l’alimentation, a estimé que la transformation des produits agricoles peut être à la fois apaisante  et rentable pour les cultivateurs. « Il leur faut avoir la capacité de transformer les produits afin qu’ils ne soient plus gaspillés  », a insisté Mac Donald Michel.

L’objectif d’Actionaid est de donner aux habitants les moyens nécessaires pour effectuer cette transformation et de travailler avec eux. « Notre problème est dû à une violation de droit », a ajouté M. Michel. Actionaid n’est pas là pour faire le travail de la communauté, mais l’appuyer. Le partenariat entre l’Actionaid et KPGA, a expliqué Jean Claude Fignolé, tend à apporter des réponses urgentes à tout ce qui a rapport au développement dans le département de la Grand’Anse.