Quel avenir pour la centrale hydroélectrique de Belladère ?

La centrale hydroélectrique de Onde-verte (CHOV), à Belladère, fonctionne comme une entreprise autonome. Méconnue, cette institution considérée comme la petite-fille de la centrale de Péligre alimente la ville de Belladère et quelques localités avoisinantes. Elle fait face à certaines menaces qui remettent en question sa subsistance.

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Visite guidée

Il faut juste traverser une grande barrière en tôle de couleur verte avec le logo : « Electricité d’Haïti », pour visiter la « centrale hydroélectrique de Onde-verte », après avoir emprunté une longue route étroite et poussiéreuse, depuis le Carrefour de Croix-fer (situé à environ 4 km de Belladère). La fraîcheur qu’il y fait est agréable. Le bruissement de l’eau de la rivière coulant à flots dans le grand évacuateur de crue est comme une douce musique.

Avec l’autorisation de l’agent de sécurité et de l’opérateur en service, on peut même aller voir le barrage situé en altitude. De là, on peut contempler une bonne partie de ce quartier tout vert appelé la Sève et de la rivière Onde-verte qui poursuit son chemin au milieu des arbres. On peut également observer la circulation de l’eau dans les vannes de chasse jusqu’à son acheminement au centre de transformation, un petit bâtiment couvert de tôles, situé tout en bas du système de captage.

A l’intérieur, les deux turbines du centre dégagent un bruit assourdissant. Juste à côté, un autre bâtiment de la même allure héberge les différentes cellules d’opération. Le travail y est énorme depuis la transformation jusqu’à la « grande distribution » de l’énergie, assurée par le bureau de l’Ed’H de Belladère, au coeur de la ville. Cette énergie est payée par les grandes entreprises de Belladère et de Baptiste, notamment. C’est Baptiste qui reçoit la plus grande part d’électricité (jusqu’à vingt-quatre heures par jour).

Inquiétudes…

La CHOV est un patrimoine historique. Plus jeune que la centrale hydroélectrique de Péligre, elle a été créée en 1946, sous le président Dumarsais Estimé, fondateur de la ville de Belladère. Sa puissance de production de 750 kilowatts lui permet d’électrifier les sections communales Baptiste, Croix-fer, Dopalais et Belladère, à raison de 16 heures d’électricité par jour, en moyenne.

Depuis sa dernière rénovation en 2008, la CHOV marche très bien, selon l’opérateur Jean Claude Louissaint qui y travaille depuis seize ans. L’originaire de Jacmel craint toutefois une diminution des capacités de l’institution à l’avenir, en raison des menaces de carence d’eau. Il se rappelle qu’à cause du manque d’eau, la CHOV a eu à faire face à trois années d’arrêt, entre 2005 et 2008, période durant laquelle la commune de Belladère était plongée dans le black-out total.

Il est clair qu’une gestion efficace de cette centrale est indispensable au développement de Belladère et des communes voisines. Située dans une région à faible risque sismique, la plus grande menace à la subsistance de la CHOV est le phénomène de déboisement qui a certainement des impacts sur le bassin versant qui l’alimente. En outre, un meilleur plan d’aménagement de ce bassin aiderait sûrement à étendre ses services sur plus de localités.

Aucune initiative visant l’amélioration des services de cette centrale n’a été prise depuis 2008. Des projets ont certes été annoncés, mais rien de concret n’est fait jusque-là. Aujourd’hui, des travaux de réhabilitation sont en cours à la centrale hydroélectrique de Péligre, selon ce qu’a annoncé récemment la direction de l’Electricité d’Haïti (Ed’H). Il y a aussi la réhabilitation simultanée de la centrale thermique de Carrefour où des travaux ont débuté depuis octobre 2012. Qu’en est-il de la centrale hydroélectrique de Belladère ?

 
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Une réalité à deux visages au marché binational

Le marché binational constitue la principale activité économique de la commune de Belladère, dans le département du Centre. Pourtant, la partie haïtienne de la frontière haitiano-dominicaine est très mal entretenue et les commerçants haïtiens se plaignent de leur vulnérabilité par rapport aux Dominicains.
Alors que la République dominicaine modernise les structures de son marché, à Belladère, les commerçants haïtiens font face à de sérieux problèmes d’infrastructures qui les désavantagent par rapport à leurs voisins. Il suffit de franchir la frontière du côté de Carizar (localité frontalière de Belladère) pour s’en rendre compte.

Il est clair que les Dominicains dominent toujours le marché binational dans toutes les zones frontalières. Leurs produits (naturels ou transformés) arrivent en affluence sur le marché haïtien, tandis que les Haïtiens en ont très peu à offrir. Outre cette inégalité, les commerçants de Belladère doivent affronter le mauvais état des routes ainsi que les mauvaises conditions d’hygiène auxquelles ils sont exposés dans le cadre de leurs activités commerciales.

Tous les lundis et vendredis, des commerçants haïtiens de partout viennent faire leurs achats à Elias Piña (ville dominicaine, voisine de Belladère). « Je viens des Cayes, je fais ce commerce depuis presque dix ans ; je souhaiterais que les conditions de transport soient meilleures ; mais jusqu’à présent, elles sont comme elles sont », se contente d’affirmer M. Etienne Jean-Baptiste au moment de monter à bord d’un camion, déjà en surcharge,  avec ses marchandises : caisses de vin, de rhum, extraits de malt, assiettes en carton, etc.

L’assainissement est tout aussi déplorable  au niveau de Belladère qui présente l’aspect d’une zone attractive en termes d’activités socio-économiques, mais qui ne bénéficie d’aucun programme d’assainissement approprié ni de travaux de curage. L’insalubrité qui y règne est susceptible d’affecter l’économie locale, selon plus d’un. « Les eaux usées ne sont pas évacuées ; elles forment des flaques et deviennent très dangereuses pour la santé de tous ceux qui fréquentent la frontière », fait remarquer une commerçante qui s’inquiète aussi de la dégradation de l’environnement que peut provoquer cette situation.

A cela s’ajoute le très mauvais état des routes. Celle qui va de Lascahobas à Belladère n’est pas asphaltée et devient impraticable à chaque période de pluie. Une situation qui cause des accidents de motocyclettes et de camions, selon des riverains. Pourtant, à en croire les usagers, beaucoup d’argent circule à la frontière de Belladère placée sous le contrôle des services d’un complexe administratif installé à proximité du marché, à Carizar. Construit en 2008 avec un financement de la coopération canadienne, ce complexe est doté d’un bureau de l’Immigration, d’un commissariat, d’un bureau de douane, mais  seule la douane fonctionne actuellement.

Des habitants de la zone rapportent que des trafics illicites se font à la frontière, conséquence de la présence insignifiante de policiers haïtiens .

Par contre, de l’autre coté, des militaires dominicains assurent la sécurité. Un service de l’Immigration est également sur place pour contrôler les entrées et sorties sur le territoire dominicain.

La localité de Baptiste, prête pour devenir commune

Le festival café organisé à Baptiste le 28 et 29 octobre 2011 a surtout permis de découvrir ce quartier de Belladère, dans le département du Centre, avec ses attraits, ses richesses, sa structure. Une localité qui aspire depuis bien des temps à devenir commune.

C’est la première fois que le quartier de Baptiste a accueilli une telle festivité, récompensant ainsi les efforts consentis par plusieurs groupes de personnes pour faire ressortir les potentialités de cette zone, riche en eau, en roches et en mines de sable. Si le festival café est avant tout une initiative qui tend à encourager et renforcer la production de café, elle vise aussi à attirer des investisseurs et des touristes qui pourraient penser à y installer des usines de transformation, selon ce qu’ont expliqué les initiateurs du festival café.

Il a fallu gravir environ 19 km de pente tantôt douce, tantôt raide, depuis Belladère pour parvenir à découvrir cette petite localité de la commune de Belladère, département du Centre, créée à la suite des vêpres dominicaines en 1933. Le gouvernement de Dumarsais Estimé y avait installé à l’époque un groupe d’Haïtiens qui fuyaient la République dominicaine. Il a créé une zone agricole pour encadrer et faciliter leur insertion sociale et économique. C’est dans ce contexte que fut créée la région de Baptiste, devenue aujourd’hui une localité où se développent des échanges importants avec la République dominicaine. Pourvue d’une population bien organisée, elle dispose d’une paroisse (Saint Jude), d’un sous-commissariat, d’un tribunal de paix, d’un lycée, d’un dispensaire, d’une pharmacie et d’une ferme agricole au centre ville qui fait 3 km2, « tout ce qu’il faut pour devenir commune, avec un peu d’arrangement », commente l’un des organisateurs de festival café.

La culture du café fait de la localité de Baptiste une référence en matière de production et d’exportation. Baptiste compte environ 10 000 habitants et, de par sa situation géographique, elle est plus ou moins sécurisée face aux catastrophes naturelles, selon ce qu’à expliqué M. Etienne Jean, président de l’ANIH (Association nouvelle image d’Haïti).

Outre le café, Baptiste produit également beaucoup de d’agrumes et d’autres fruits juteux. Néanmoins, les responsables se plaignent du manque d’infrastructures. L’Etat, disent-ils, n’est pas actif dans la communauté. Le lycée de Baptiste fonctionne jusqu’à la 9e année fondamentale, après quoi, l’élève, s’il veut continuer ses études classiques, doit se rendre à Belladère, Mirebalais ou Port-au-Prince. « Cela engendre une perte de nos ressources humaines, souligne M. Etienne, car le jeune homme ou la jeune fille qui part étudier ailleurs ne va pas revenir ». En ce sens, estime-t-il, l’agrandissement du lycée et la construction d’écoles professionnelles s’avèrent indispensables.

Jusqu’en 1990, Baptiste dépendait de Belladère du point de vue administratif et politique. Les résidents aimeraient que Baptiste ait un statut de commune afin de bénéficier plus directement des services publics financés par les taxes communales. Depuis 2004, Baptiste relève à nouveau entièrement de Belladère tant du point de vue administratif que du point de vue politique.

Ce quartier, qui a lutté durant longtemps en vue de devenir commune, n’a jusqu’à présent pas encore eu ce privilège. Des documents relatifs à cette requête ont été acheminés au Parlement sous le gouvernement Préval-Alexis, aucune réponse favorable n’a été donnée, selon ce qu’ont expliqué les habitants de Baptiste qui rêvent d’élire leur propre maire aux prochaines élections municipales. « Maintenant, c’est au président Martelly de prendre cette décision par un arrêté présidentiel », ont-ils ajouté. « A présent, nous n’allons plus insister. Nous allons nous taire et laisser les activités parler à notre place », a indiqué M. Paulos Jean, l’un des initiateurs du festival, qui estime que le festival café ayant mobilisé plus de 4 000 participants prouve largement que Baptiste peut devenir commune.

Communications à Baptiste

Dans les années antérieures, il était difficile de communiquer avec le reste du pays quand on se situait dans la zone de Baptiste, le seul centre de télécommunication installé en 1990 par la TELECO ne fonctionnant pas depuis plusieurs années. Ce vide a été comblé depuis mai 2007 avec l’arrivée de la Digicel. L’Internet devient également accessible non seulement à la ferme agricole, mais aussi au presbytère de la zone et au bureau de l’UCOCAB. La presse, sous toutes ses formes, est inexistante. Toutefois, des ondes venant de la commune de Hinche, de Port-au-Prince et de la République Dominicaine peuvent être captées.

La région de Baptiste est pourvue d’électricité. Actuellement, le bourg est électrifié presque 24h sur 24 à partir d’une petite centrale hydroélectrique, installée sur la rivière Onde Verte, et dotée d’une capacité de 750 kilowatts et peut alimenter toute la commune, selon l’avis des habitants. Donc, une gestion efficace de cette ressource s’avère indispensable au développement durable de la zone.