« Reboisons notre communauté » : 200 000 arbres d’ici à 2020

Alertée par le phénomène du déboisement en Haïti, l’organisation Fraternité Valléenne de New York (FV) s’est lancée, depuis juin 2013, dans une campagne intensive de reforestation dans la commune de La Vallée de Jacmel. L’idée est de donner un bon exemple aux acteurs du secteur de l’environnement et de parvenir ensemble à reboiser le pays tout entier.

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C’est un projet très ambitieux, mais les responsables de Fraternité Valléenne ont foi. « Il est urgent de nous mettre sans perdre de temps à la reforestation », dit la présidente de cette organisation d’Haïtiens originaires de La Vallée de Jacmel évoluant à New York depuis près de 40 ans. Marie Calixte Labbé estime que ça fait trop longtemps que nous faisons des discours sur la déforestation et qu’il est temps d’agir.

Les menaces d’inondation, d’érosion et de sécheresse en Haïti ne sont plus un secret pour personne, compte tenu de notre faible couverture forestière (moins de 2%, dit-on). L’abattage anarchique des arbres nous rend encore plus vulnérables. Bien conscients de cette situation, les responsables de Fraternité Valléenne cherchent à se fixer des objectifs à moyen et à long terme, et se battront pour les atteindre.

« Reboiser une communauté est un important projet qu’il faut minutieusement planifier, souligne la présidente. À New York, par exemple, près de 835 000 nouveaux arbres ont été plantés autour de la ville depuis 2007 grâce à un plan de reboisement mis en œuvre par les autorités et les organisations privées. » En effet, ce projet, qui avait pour objectif de base d’introduire 1 million de nouveaux arbres dans toute la ville de New York d’ici à 2017, est déjà sur le point d’atteindre sa limite deux ans à l’avance.

Pour Marie Calixte, il s’agit avant tout d’une question de bonne volonté et de mobilisation commune. « Ce type de réalisation est un excellent exemple à suivre pour nous autres en Haïti », indique celle qui vit à New York depuis plus de 40 ans mais qui est toujours restée attachée à son pays et particulièrement sa ville natale. Elle convient, bien entendu, que nous n’avons pas les mêmes moyens que les new-Yorkais, mais avec la même volonté et si nous nous mettons constamment à l’action, assure-t-elle, nous pouvons réussir à atteindre notre objectif.

« Si c’est la motivation qui nous manque, insiste Mme Labbé, nous devons savoir que les bienfaits de l’arbre sur l’environnement sont mesurables. Par exemple, les acteurs New-yorkais sont déjà bien conscients de l’énorme impact environnemental de ce million de nouveaux arbres sur leur ville : Ils ont la capacité de donner de l’ombre de refroidissement, de capter les émissions de carbone, etc.»

Notons que les arbres déjà existants dans la ville de New York génèrent déjà 27 millions de dollars d’économie d’énergie chaque année. Ils interceptent près de 900 millions de gallons d’eaux pluviales par an, améliorent la qualité de l’eau et préviennent la pollution des eaux de ruissellement. Ils servent aussi de filtres naturels pour les polluants atmosphériques. Des bienfaits concrets dont on pourrait jouir en Haïti.

Semblablement, Fraternité Valléenne s’est fixée comme objectif de faire pousser 200 000 nouveaux arbres sur le territoire de La Vallée de Jacmel d’ici à 2020. Cette campagne intensive de reboisement a été entamée en juin 2013 en partenariat avec la Fédération des associations pour le développement du Sud-Est (FEDADSE), qui a aussi embrassé l’idée. Le projet a réellement pris naissance en 2007, lorsque, alertée par le déboisement de nos villes de province, la Fédération des associations régionales haïtiennes à l’étranger (FARHE) a réalisé un forum sur la question. Ensuite, avec le support financier de FARHE, Solidarité chambellanaise et Fraternité Valléenne ont été les premières à entamer des actions concrètes dans leurs communes respectives : Chambellan et La Vallée de Jacmel.

À La Vallée, les bénévoles ont commencé par des cours de reforestation à l’école des Frères de l’instruction chrétienne (FIC). Ces cours sont aujourd’hui complètement intégrés dans le curriculum de cette école comme une discipline obligatoire et aussi dispensée dans d’autres écoles. « Dès leur plus bas âge, il faut apprendre aux élèves l’importance des arbres, de la plantation et de l’environnement durable. » Les écoliers ont aussi pour mission de partager cette formation avec leurs parents et ils se sont montrés très décidés à participer activement à ce processus de reboisement. Les résultats sont déjà bien tangibles.

« À côté de la plantation, nous essayons aussi d’encourager les Valléens à nous aider bénévolement à prendre soin de ces arbres nouvellement plantés afin de nous assurer de leur croissance. Vous savez, nous ne pouvons tirer profit de nos arbres que s’ils atteignent leur taille maximale », fait remarquer la présidente de Fraternité Valléenne. L’organisation a, en outre, déjà employé un agronome à temps partiel, pour mener les aspects techniques du projet, et recruter des représentants dans toutes les sections communales de La Vallée de Jacmel.

« Nous aimerions pouvoir employer 3 autres agronomes pour mieux étendre nos activités, mais les moyens économiques font défaut », affirme la représentante, encourageant tous ceux qui croient que « le reboisement est la meilleure façon de combattre nos problèmes environnementaux » à les rejoindre dans cette bataille.

Déjà, à l’initiative de FV, un groupe d’étudiants du St Joseph Prep. School de Pennsylvanie (USA) avait effectué, en juillet 2013, une visite de quelques jours à La Vallée de Jacmel pour encourager l’initiative et y apporter leur contribution. Un plus grand nombre d’étudiants y est encore attendu en juillet 2014.

Actuellement, l’organisation travaille en partenariat avec les autorités locales. « Pour un minimum de protection de notre environnement, souligne les responsables, nous cherchons aussi à faire des plaidoyers pour le renforcement et le strict respect des lois haïtiennes liées à l’environnement, notamment celles sur l’abattage des arbres.» Selon eux, ces lois doivent être revues et mises en application en fonction de notre réalité actuelle.

Par-dessus tout, « Reboisons notre communauté » se veut un projet pilote et un modèle pour les autres communes. FV invite donc les autres organisations de son genre à se lancer dans le même mouvement. « Si chaque organisation régionale se lançait dans la même activité, je suis sûre que les résultats seraient bien vite remarquables », conclut la présidente de Fraternité Valléenne.

Un film de sensibilisation sur la syndicalisation en Haïti

En Haïti, le secteur informel représente 95% de la main-d’oeuvre. Face à cette réalité, le cinéaste québécois André Vanasse croit qu’il est indispensable que les travailleurs haïtiens se regroupent en syndicats. Pour le compte de la Confédération syndicale internationale, il vient de passer un mois en Haïti afin de tourner un documentaire sur l’importance de la syndicalisation.
 
 
« Ce film sera un outil de formation sur la question de l’informel et de la syndicalisation », affirme André Vanasse, au terme de son travail d’un mois en Haïti visant à inciter les ouvriers de l’informel à rejoindre un syndicat.
 
Les personnages de ce court-métrage, en créole, sont exclusivement des travailleurs haïtiens. Le réalisateur s’est rendu sur le terrain pour filmer des paysans dans l’Artibonite, des marchands, des travailleurs domestiques et des ouvriers du secteur de la construction, estimant que ces derniers doivent se regrouper en syndicat pour exiger une meilleure protection.
 
« Je travaille entièrement au bénéfice des syndicats et je suis là pour défendre leur point de vue. Mon travail consiste à leur donner une fenêtre pour exprimer leur voix en produisant cet outil de communication qui sera diffusé à la fois en Haïti et sur la scène internationale », a précisé le cinéaste québécois.
 
 
André Vanasse croit que le syndicalisme engendre le partage de la richesse dans tout pays. « Les pays les plus riches sont ceux où il y a le plus de syndicats », dit-il, citant notamment les pays de l’Europe du Nord. « Ils ont 70% de la main-d’oeuvre qui est syndiquée, alors qu’en Haïti ça n’est seulement que 3% », souligne le cinéaste indépendant, engagé par la Confédération syndicale internationale (CSI) pour produire ce documentaire.
 
« Malheureusement, les travailleurs haïtiens du secteur informel, comme le personnel domestique, sont très mal payés et ne jouissent d’aucun avantage social. Les syndicats doivent donc regrouper ces personnes-là pour leur donner plus de force », insiste-t-il.
 
Le tournage terminé, le cinéaste promet que d’ici deux mois le film sera mis à la disposition des syndicats en Haïti, qui s’en serviront pour faire de la formation.
 
André Vanasse exerce le métier de cinéaste depuis déjà une trentaine d’années. Formé en sciences de l’éducation, sa carrière s’est forgée dans la production d’outils pédagogiques. Son accent créole prouve bien qu’il a beaucoup travaillé aux côtés des Haïtiens.
 
Il vient en Haïti depuis 2005. « Haïti et le Québec ont beaucoup d’affinités culturelles et la même origine linguistique, c’est pourquoi j’aime beaucoup travailler en Haïti », dit-il, heureux d’avoir appris notre langue et notre culture. Ceci est le 4e documentaire qu’il fait sur Haïti. Il avait déjà réalisé l’année dernière un documentaire intitulé « Ann Kore moun », qui apporte des questionnements sur le rôle et l’importance des syndicats dans le pays.
 
André Vanasse prévoit également de proposer à la télévision québécoise un projet de film sur la mentalité haïtienne, estimant que l’Haïtien est individualiste et a une trop grande méfiance à l’égard des institutions. A son avis, l’une des faiblesses d’Haïti est le manque d’institutions collectives. « Chacun aime avoir son affaire, mais on a de la difficulté en Haïti à organiser des institutions collectives qui marchent bien. S’il y avait un partage de la richesse, le pays décollerait comme une fusée ! ».
 

L’hypnose conversationnelle comme alternative

A l’initiative de l’Unité de recherche et d’action médico-légale (URAMEL), une trentaine de jeunes professionnels de la santé (médecins, psychologues et psychiatres) ont participé à une formation sur l’hypnose conversationnelle stratégique. Ce nouvel outil devra leur permettre de mieux prendre en charge les patients sur le plan sanitaire, mental et psychosomatique.
 
 
Durant ces 8 jours de formation, ces professionnels auront appris des formes de thérapie qui sont brèves et rapidement efficaces. « On a jugé nécessaire d’élargir la compétence de nos cadres sur d’autres modes de thérapie très utiles et qui ont déjà donné de très bons résultats », indique la coordonnatrice de l’URAMEL, Dr Jeanne Marjorie Joseph, au terme de cette formation financée par l’organisation belge Memisa.
 
Après avoir bien assimilé l’hypnose conversationnelle, les spécialistes vont eux-mêmes devenir des formateurs pour les autres thérapeutes qui ont besoin de ce type de formation. Les deux dernières journées ont été consacrées à des personnes victimes d’un traumatisme quelconque, qui seront à leur tour formées pour accompagner les gens de leur entourage.
 
 
« Les gens doivent savoir qu’un trauma ne s’arrête pas facilement si l’on n’a pas recours à des spécialistes », avise le psychologue et hypno-thérapeute Gérald Brassine, soulignant que, suite à la catastrophe de 2010, beaucoup de gens souffrent de maux imaginaires en Haïti. « C’est d’un psychologue ayant eu cette formation spécifique qu’il leur faut », ajoute le formateur belge qui se dit impressionné par le niveau élevé de ses apprenants.
 
Bénéficiaire d’une formation de ce genre en Belgique, Mme Fritzna Blaise a servi de médiatrice pour faciliter la réalisation de cette formation. « J’ai déjà eu recours à l’hypnose conversationnelle lorsque j’ai été affectée au service d’urgence d’un internat au Cap-Haïtien; c’est une pratique simple et assez efficace. Je me suis dit qu’il fallait que d’autres professionnels en Haïti puissent en bénéficier », explique le médecin généraliste, précisant que cette « thérapie brève » permet même de faire de la chirurgie sans anesthésie et sans douleurs.
 
« Il s’agit simplement d’aider le patient tout en l’accompagnant et en utilisant des mécanismes naturels chez lui », selon la psychologue Linda Métayer, qui considère cette nouvelle méthode comme une « formule magique ». « On est sortis vraiment armés, très satisfaits et on anticipe déjà beaucoup de résultats », ajoute-t-elle.
 
Cette nouvelle initiative de l’URAMEL vient renforcer l’une de ses missions qui est d’encadrer les gens psychologiquement. Cela entre dans le cadre de la formation continue que réalise l’institution pour ses douze psychologues ainsi que pour tout autre professionnel de la santé désireux d’en bénéficier.
 
Des avancées considérables dans le domaine de la santé mentale en Haïti
 
Les psychologues ne sont pas nombreux en Haïti, et ce secteur est traité en parent pauvre au niveau du ministère de la Santé. Nombreux sont les mythes associés aux problèmes psychiques ou psychiatriques. Cependant, les spécialistes de l’URAMEL se montrent très optimistes quant à l’avenir de la santé mentale dans le pays. « On a connu des situations assez difficiles dans le pays; les épisodes d’inondation, le tremblement de terre, les bouleversements politiques, etc. C’est vrai que la santé mentale n’a pas toujours été comprise en Haiti, mais il y a un petit effort depuis quelque temps », indique Mme Métayer, l’air confiante.
 
Depuis le séisme, la population comprend de mieux en mieux l’importance de la santé mentale et la nécessité d’aller voir un spécialiste en cas de difficultés, selon les responsables de l’URAMEL qui soulignent que les barrières concernant les stéréotypes à l’égard de ce secteur commencent sérieusement à disparaître.Les professionnels de la santé deviennent de plus en plus confiants dans ce nouvel horizon qui se dessine pour la santé mentale en Haïti.
 
A travers son centre de psychotrauma, l’URAMEL sensibilise aussi la population à l’importance de la santé mentale. « On fait de la prise en charge individuelle ou de groupe, on apprend aux gens à se dépister eux-mêmes, on forme les leaders communautaires et les professeurs d’école », fait savoir le docteur Marjorie Joseph, soulignant que « chacun peut aider l’autre à aller mieux mentalement ».
 
Outre les services de ce centre mis en place après le séisme du 12 janvier 2010, l’URAMEL intervient également dans les soins de santé primaire, la médecine légale et le droit à la santé. De concert avec plusieurs partenaires, notamment le ministère de la Santé, il cherche à mettre en place un plan de prise en charge en santé mentale en Haïti.
 

Une compagnie de fabrication d’ordinateurs en Haiti

Haïti possédera peut-être bientôt sa première entreprise de fabrication d’ordinateurs. Associée à la compagnie locale de télécommunication Suntel S.A., la société thaïlandaise X-Core Corporation participait le week-end dernier au Salon de l’emploi organisé par Haïti Job. Eula Adam, le président de X-Core, a bien voulu répondre à nos questions.

Monsieur Adam, vous dites vouloir offrir des ordinateurs à bas prix sur le marché haïtien. Quelle expérience avez-vous en la matière ?

 Eula Adam (EA): Professionnellement parlant, je suis comptable agréé américain. J’ai passé près de 18 ans à travailler avec l’une des plus grandes firmes comptables dans le monde. Après, j’ai eu à travailler pour Data Corporation, une entreprise œuvrant avec Western Union, puis avec une autre firme de paiement pour MasterCard et Visa. J’ai passé ensuite quatre ans au conseil d’administration de Mastercard. Finalement, je me suis mis avec un autre partenaire qui est ingénieur de système pour créer X-Core Corporation. Notre stratégie globale est de travailler avec des partenaires à travers le monde en vue d’établir des compagnies locales qui peuvent grandir. Aujourd’hui, nous travaillons dans beaucoup de pays, d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud et dans plusieurs villes aux Etats-Unis. En effet, nous voulons mettre des ordinateurs à la portée de gens aux revenus modestes. Vous savez que X-Core Corporation est une petite entreprise privée basée en Thaïlande, mais qui a aussi des bureaux aux Etats-Unis. Nous fabriquons des ordinateurs de toutes sortes et, surtout, des ordinateurs à prix réduit qui consomment moins d’énergie.

Quel est le but de votre participation au Salon de l’emploi en Haïti?

EA: Nous avons une opportunité de construire une entreprise d’assemblage d’ordinateurs capable de recruter 1 200 employés, sans grands investissements, en travaillant avec notre partenaire, la Suntel S.A., le gouvernement haïtien, les écoles privés et les associations éducatives. Les machines seront à prix très bas, faciles à maintenir et pourront être utilisées pour l’éducation, les affaires et dans le domaine médical.

Quand vous parlez « d’assemblage d’ordinateurs », qu’est-ce que cela veut dire au juste ?

EA: Un ordinateur est constitué de plusieurs compartiments (batterie, wifi, CPU, stockage, etc.). Notre travail consiste à assembler ces différents éléments pour former l’ordinateur. Donc, nous faisons la conception de la machine, puis importons les pièces, le plus souvent de Chine. Un ordinateur peut se fabriquer avec moins de dix compartiments, il suffit de savoir comment les joindre. Je suis très confiant que nous pouvons recruter, former et motiver des travailleurs haïtiens. Nous avons d’ailleurs déjà un groupe très motivé…

Où en êtes-vous avec les différentes étapes de la mise en œuvre?

EA: Nous sommes au tout début. Notre présence ici témoigne d’ailleurs des suites que nous donnons à ce projet. Nous avons rencontré des gens qui se montrent énormément intéressés à notre gamme de produits. Ce projet ne requiert pas de gros investissements, mais simplement la mobilisation de la communauté d’affaires, la volonté du gouvernement pour travailler avec nous et l’intérêt du peuple haïtien pour acheter nos produits à bas prix. Notre projet peut donc se réaliser très vite. Pour commencer, nous devons nous assurer que le marché peut absorber 10 000 de nos machines par mois, je crois que ce niveau est déjà atteint aujourd’hui. Notre plus grand défi actuellement, c’est de trouver une organisation déjà disponible pour nous accompagner dans l’assemblage, la vente, le marketing et la distribution. On n’a pas besoin de construire un grand immeuble, mais seulement de bien former nos cadres, ce qui peut se faire en quelques semaines. Je pense qu’il faudra au maximum six mois pour tout mettre en place et commencer à produire.

Vous avez déjà pris connaissance des formalités à remplir auprès des institutions étatiques ?

EA: Nous avons déjà rencontré des gens qui nous ont compris et qui nous ont indiqué la procédure à suivre pour investir en Haïti. Actuellement, nous sommes déjà en train de vendre nos produits grâce au partenariat avec la Suntel, mais entre-temps, nous explorons également les possibilités d’investissement. Nous n’allons pas attendre que nos commandes mensuelles soient de 10 000 ordinateurs pour commencer à les fabriquer en Haïti. Si nous réussissons, nous pourrons très vite devenir une très grande compagnie, avec les revenus et les affaires générés par nous-memes.

De quelles compétences aurez-vous besoin ?

EA: Ça ne prend pas grand-chose. D’ailleurs, nous avons une force de travail déjà disponible. Beaucoup de jeunes étudiants haïtiens n’ont pratiquement rien à faire ; nous allons les former dans la mesure du possible et les employer. Presque tous les ordinateurs sont assemblés en dehors de la Chine, et nous pensons qu’ici est tout aussi bien qu’aux Etats-Unis ou au Mexique. C’est une étape naturelle, rien de compliqué.

Aurez-vous une marque originale pour le marché haïtien?

EA: Comme nous travaillerons avec la Suntel, la marque sera probablement Suntel. Mais si vous regardez l’historique des ordinateurs, vous verrez que presque tous les grands fabricants d’ordinateurs dans le monde ont des marques qui ont d’abord été méconnues par l’ensemble des clients dans le monde. Nous voulons construire une marque qui sera reconnue et acceptée en Haïti et dans les pays comme la République dominicaine et les autres Etats de la Caraïbe où nous pourrons exporter avec toute la fierté haïtienne. Ça prendra du travail, mais ça vaut le coup !

Gérer le transport maritime en Haïti, un casse-tête pour le SEMANAH

Le non-respect des normes par les usagers des voies maritimes est le principal inconvénient que rencontre, dans l’exécution de son travail, le Service de navigation et de transport maritime en Haïti (Semanah), dont la mission est de réguler et de contrôler les eaux maritimes haïtiennes, qu’elles soient côtières, régulières ou internationales.

Un représentant de l’institution placé dans chaque port et chaque point de mouillage, de concert avec quelques représentants des gardes-côtes, effectue un travail de vérification des bateaux et voiliers qui doivent prendre les eaux. Il ne doit pas y avoir de surcharge, l’embarcation doit disposer de matériel de premier soin, de gilet de sauvetage, etc. Le capitaine doit s’informer sur le temps qu’il fera lors de son voyage et ne pas partir en cas d’interdiction de l’institution qui, dès qu’il y a une menace sur les eaux, avise toutes les institutions partenaires et les capitaines. Si tout se passe bien, le capitaine pourra avoir accès à un certificat de déplacement. Cependant, les choses ne se passent pas toujours comme ça; les deux naufrages survenus récemment peuvent en témoigner.

En effet, le 26 juillet 2011 dernier, une petite chaloupe à moteur qui sortait de Borgne pour se rendre à Anse-à-Foleur, a sombré au large d’Anse-à-Foleur coûtant la vie à plus de dix personnes. Seulement 19 survivants ont été dénombrés, selon une lettre du représentant territorial du SEMANAH au Cap-Haïtien, M. Bernadin Francisque, adressée au directeur de la sécurité maritime, M.Ronald Jabouin au surlendemain de l’incident. « Nous n’avions pas eu la chance de rencontrer le capitaine de cette chaloupe qui pourrait nous informer sur la quantité de personnes qui étaient à bord; mais selon des sources peu sûres, il devait y avoir au moins 40 personnes, le vent était un peu fort », a indiqué M. Bernadin Francisque.

Pour la directrice générale du SEMANAH, Mme Marie Yvrose Jean, il s’agissait d’un bateau surchargé pris par un mauvais vent, à 45 minutes d’Anse-a-Foleur, c’était un navire pirate (non identifié) dont le capitaine était quand même enregistré aux archives de l’institution. Celui-là avait décidé de prendre les eaux, alors qu’on le lui avait interdit ce jour-là, prenant départ à un point non reconnu par les autorités maritimes.

« Ce cas est très courant: pour éviter de suivre les procédures, certains capitaines préfèrent ne pas démarrer leur navire dans les points d’embarcation autorisés. », a révélé le numéro un du Semanah, qui ne compte que 15 bureaux territoriaux; « On ne peut pas faire de chaque point de déplacement un port ou un point de mouillage, ce serait placer des représentants sur tous les côtes du pays, ce qui est impossible », a-t-elle ajouté.

L’assistant-directeur de la sécurité maritime, M. Dieudonné Bruno, dans une lettre adressée au directeur général, a indiqué que le canot qui faisait entre 7 et 8 mètres de long pouvait transporter 15 personnes s’il avait le matériel de sauvetage. Les conditions météorologiques n’étaient pas trop favorables car le vent soufflait jusqu’à 20 noeuds et les vagues montaient à six pieds de haut. Le canot aurait subi une double vague et un fort vent de travers occasionnant une gîte sous le poids du déplacement des passagers à tribord. « Le représentant territorial du Cap-Haïtien a rencontré le juge de paix de Borgne, Me Saint-Louis, lui sollicitant l’arrestation de M. Luc Augustin, propriétaire et capitaine du navire, mais celui-ci a pris la fuite », a-t-il écrit.

Durant le passage du cyclone Emily sur le pays, le Semanah avait interdit toute navigation maritime, mais cela n’a pas empêché que certains incrédules aient quand même tenté de prendre les eaux. « On a procédé ce matin à l’arrestation d’un capitaine », a fait savoir le directeur général, le vendredi 5 août dernier, date à laquelle l’interdiction n’était pas encore levée pour la navigation, en dépit du fait que le ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, Paul Antoine Bien-aimé, ait annoncé la levée de l’alerte sur tout le territoire. « Jusqu’à ce moment, la mer est encore agitée », a affirmé Mme Yvrose Jean vendredi.

En ce qui a trait au naufrage du navire la Belle Gonavienne # 2, survenu le 27 juin 2011, à Anse-à-Galet, le représentant territorial du Semanah à Anse-à-Galet, Vilbrun Vilméus, a affirmé que celui-là est renversé par un gros vent non loin de son port. Le navire avait à son bord 19 passagers et quatre membres d’équipage pour un total de 23 personnes, a-t-il confirmé. « On a retrouvé cinq morts, toutes sont des femmes, sept survivants et sept personnes sont portées disparues », a fait savoir l’Armateur, M. Elie Guipson, ajoutant que le navire avait également à son bord 227 sacs de charbon, 8 sacs de d’arachides et quelques volailles. Ce navire-là était enregistré, a appuyé le directeur général.

Mme Yvrose Jean félicite certains notables de cette zone qui ont demandé au bureau central du Semanah d’organiser des séances de formation pour les capitaines de la Gonâve, afin qu’ils comprennent comment protéger la vie des passagers en mer, pour éviter ce genre d’accidents. Elle affirme qu’à plusieurs reprises, ils ont organisé des séminaires à leur intention. « D’ailleurs des inspecteurs sont actuellement en formation », a-t-elle révélé.

Le directeur général du Semanah a souligné que l’institution qu’elle dirige est confrontée à un problème majeur qui est le vol du matériel de signalisation qui se fait de plus en plus. Il évoque aussi les ports qui ne sont pas en bon état.

Dans sa sphère d’action, le Semanah travaille en collaboration avec la police et les élus locaux (député, CASEC, ASEC). Il se trouve paralysé par l’absence de législation maritime. Les nombreux traités internationaux auxquels la République d’Haïti a adhéré, particulièrement les conventions de l’OMI, ne sont pas insérés dans notre droit positif, a expliqué Mme Yvrose Jean, qui rêve d’un gouvernement plus ferme qui pourra faire respecter les normes. « Les gens ne respectent pas la loi ni l’Etat », s’est-elle plaint, souhaitant que les ports de cabotage soient aménagés pour faciliter les contrôles.

« Presque toutes les activités relatives aux mouvements des navires dans les eaux haïtiennes et également dans les ports de la région sont réunies par la direction de la Sécurité maritime. Cette Direction englobe aussi la réglementation du transport dans les eaux haïtiennes, l’enregistrement et le travail des gens de mer nécessaires à la bonne conduite du navire et de la signalisation maritime: trois éléments vitaux pour la sécurité de la navigation maritime. Elle représente l’une des plus importantes directions du SEMANAH qui comprend quatre autre directions : l’unité de coordination, la direction de la sécurité maritime, la direction de la coopération et des affaires maritimes et la direction de la protection du milieu marin », a expliqué Mme Yvrose Jean.