A quand la réhabilitation du CFEF ?

Presque trois ans après le séisme de janvier 2010, le Centre de formation pour l’école fondamentale (CFEF), dont les locaux ont été grandement affectés, n’est toujours pas réhabilité. Les réfugiés qui y vivaient ont certes été évacués récemment, mais l’établissement reste dans un état piteux.
 
Midi. Des ordures brûlent dans l’allée qui mène au Centre de formation pour l’école fondamentale (CFEF), à Martissant, pendant que des étudiants vaquent tranquillement à leurs activités dans les couloirs de cette école. Cependant, l’insalubrité qui y règne est beaucoup moindre ce mercredi 7 novembre 2011, par rapport aux jours précédents. Des agents, peu équipés, de la mairie de Port-au-Prince, amassent des immondices dans un coin de l’arrière-cour de l’établissement. Le chef de cette équipe de cinq personnes, Johnson Smith Chéry, affirme avoir commencé ce nettoyage bien avant le passage de l’ouragan Sandy, ce que les étudiants rejettent d’un revers de main.

« La mairie n’a rien fait du tout », proteste un étudiant visiblement offusqué, sous le regard approbateur de plusieurs autres, tous requérant l’anonymat. Ces étudiants manifestent leur reconnaissance envers les autorités d’être parvenues à reloger les victimes du séisme de janvier 2010 avec qui ils ont cohabité durant presque trois ans, mais ils sont loin d’être satisfaits. « C’est un très grand pas, mais il reste encore beaucoup à faire », estime l’un d’entre eux.

En effet, après que l’Organisation internationale de la migration (OIM) eut réussi à reloger les familles qui vivaient dans cet établissement, à la veille de la rentrée scolaire, aucun nettoyage n’y a été réalisé.  Les étudiants n’auraient pas pu fonctionner dans l’espace impraticable qu’était devenue cette école, après le relogement des réfugiés. « C’est nous-mêmes, trois jours avant la rentrée, qui avons, avec l’assistance de la direction, organisé deux journées d’assainissement », se félicite un étudiant de 3e année.

Toutefois, le CFEF est, manifestement, loin de retrouver son image d’avant le séisme. A sa réouverture le 5 novembre 2012, c’est dans un local en état de délabrement que l’institution accueille, encore une fois cette année, les futurs enseignants à l’école fondamentale. La majeure partie de l’immeuble est couverte de poussière, comme une vieille maison abandonnée. Les visiteurs et les parents y sont accueillis par les graffitis injurieux tracés par les sinistrés sur différents murs de l’établissement. Les toilettes mobiles utilisées par ces derniers tout comme les immondices rassemblées par les étudiants sont empilées dans un coin de la cour, en attendant que la mairie les fasse enlever. Une partie de la clôture détruite par le séisme de janvier 2010 donne libre accès à l’école. Pis encore, l’unique centre de formation des maîtres pour l’école fondamentale du pays est converti en un véritable site de décharge :les riverains  du voisinage y jettent leurs détritus du haut de leur maison.

« La clôture doit impérativement être reconstruite, car l’école est située dans une zone très dangereuse », fait remarquer Jacques Ronald Jean, un ancien étudiant du CFEF, qui est aussi le responsable du syndicat des enseignants du fondamental. Préoccupé par la sécurisation de l’école, ce dernier souligne que des actes de banditisme sont couramment perpétrés dans les environs et que les anciens réfugiés continuent de fréquenter la cour de l’école.

En dépit de tout, les « Cféfiens » sont fiers de la formation qu’ils reçoivent. « Les professeurs sont très motivés, malgré la précarité de l’espace et le manque de matériel de travail », soutient l’ancien étudiant Jacques Ronald Jean, attirant l’attention sur le laboratoire informatique et la bibliothèque de l’école qui sont très peu équipés. Le responsable du syndicat des enseignants du fondamental plaide aussi pour l’intégration des étudiants finissants du CFEF au système éducatif haïtien, comme promis dans la charte de l’école. « A ma connaissance, moins de 20% des finissants parviennent à être intégrés dans les écoles publiques après leurs études », fait-t-il remarquer.  Dans le cycle de formation, il est également prévu une année de probation dans les écoles publiques et dans les EFACAP (École fondamentale d’application – Centre d’appui pédagogique), mais cela peine encore à se concrétiser, selon Jacques Ronald Jean qui appelle le MENFP à solutionner ce problème dans le plus bref délai.

« Nous sommes disposés à dialoguer avec le MENFP, mais il faut bien que les responsables nous écoutent, car le système a besoin de nous », affirme un étudiant finissant qui souhaiterait qu’un diplôme lui soit délivré à la place du simple certificat attribué aux étudiants de CFEF depuis 1999, après leurs études. Ce dernier se dit heureux d’apprendre que ce problème sera bientôt résolu, à en croire le directeur de l’école. « Nous avons effectué plusieurs démarches auprès de l’ex-ministre de l’Education nationale Réginald Paul, qui n’ont pas abouti. Son successeur, Vanneur Pierre, à qui nous avons envoyé plusieurs lettres, restées sans suite, ne s’est pas encore prononcé sur nos conditions d’apprentissage », révèle cet étudiant qui s’attend à une visite prochaine du ministre de l’Education au centre.

Le directeur du CFEF, Gustave Joseph, affirme, quant à lui, avoir eu une brève rencontre avec le ministre Vanneur Pierre, qui lui a garanti que de nouvelles orientations sont prévues par le ministère pour le CFEF. « Nous allons réaliser bientôt un atelier qui va proposer un plan de renforcement », confie-t-il, assurant que des dispositions sont déjà prises par la direction de l’école pour réaliser certains travaux, dont la reconstruction de la clôture, avec les fonds propres de l’institution. Ces travaux, selon lui, débuteront aussitôt que l’OIM et la mairie de Port-au-Prince auront effectué l’assainissement complet de l’école. Personne ne sait quand exactement.

Gustave Joseph est conscient des différents problèmes auxquels est confronté le CFEF,  les même qui affectent tout le système éducatif haïtien. Le directeur assiste tout comme les étudiants au non-respect des engagements pris par les autorités de l’éducation envers l’institution qu’il dirige.

M. Joseph fait savoir qu’une étude réalisée par la Banque mondiale et des ingénieurs du génie scolaire montre que le bâtiment principal a été gravement endommagé et qu’il doit être remis en état dans un premier temps. « Mais aucune disposition n’a encore été prise », affirme-t-il.

En attendant, les étudiants s’nterrogent sur la négligence des responsables de l’éducation vis-à-vis de leur école, qui devrait normalement jouer un rôle de tout premier plan dans le système éducatif haïtien. Selon eux, l’avenir de l’enseignement fondamental en Haïti est étroitement lié au leur. Ils se disent déterminés à aller jusqu’au bout dans leurs revendications et leur désir de voir le CFEF s’élever à un niveau digne de son importance dans la société haïtienne, à un moment où le ministère de l’Education nationale prône « l’éducation pour tous » et le « virage vers la qualité ».

Lire aussi: Au secours du Centre de formation pour l’école fondamentale

 

Au secours du Centre de formation pour l’école fondamentale

Le Centre de formation pour l’école fondamentale (CFEF), sis à Martissant, partage son local depuis le 12 janvier 2010 avec un centre d’hébergement. Une situation qui entrave la bonne marche de l’institution déjà en proie à des difficultés. Les élèves ont beau tenter différents mouvements de protestation, jusqu’à présent aucune décision n’a été prise par les autorités concernées pour améliorer leurs conditions d’apprentissage.
 
Jeudi 31 mai 2012, 11 h 18 a.m. La barrière verte à moitié démolie du Centre de formation pour l’école fondamentale (CFEF) est grande ouverte. Les deux extrémités de l’entrée sont occupées par une marchande de nourriture et un forgeron qui travaille tranquillement le fer à coup de marteau. N’importe qui peut y entrer. Il faut juste traverser une mare de boue. Un petit garçon se baigne au milieu de l’allée qui mène à l’établissement, près d’une fontaine à laquelle les riverains viennent puiser l’eau. Un homme à moitié nu fait le va-et-vient dans la cour de l’école où quelques étudiants sont éparpillés çà et là pour revoir leurs notes.
 
Des soldats srilankais se sont fait une place non loin de la fontaine d’eau, en face du grand immeuble non entretenu qui héberge le CFEF à Martissant, entre l’église Sainte-Bernadette et l’école nationale de Martissant. « On a dû faire appel à ces soldats pour assurer la sécurité, suite à plusieurs actes de banditisme survenus dans les parages », rapporte un étudiant en deuxième année requérant l’anonymat.
 
Depuis le séisme de janvier 2010, le CFEF partage sa cour avec un camp d’hébergement de plusieurs dizaines de tentes. « La présence de ces gens constitue un handicap majeur à la bonne marche de notre école qui, depuis janvier 2010, fonctionne au ralenti », se plaint un autre élève, dénonçant le mauvais comportement des réfugiés. « Dans ces tentes, poursuit-il, il y a toutes sortes d’individus. Ils fument de la drogue, salissent nos locaux, volent notre matériel et se promènent n’importe où, n’importe comment ».
 
Le plus grand rêve des étudiants du CFEF est de voir partir les refugiés de leur espace. Cependant, il leur semble que cela ne se réalisera pas bientôt, car, jusque-là, aucune décision relative à cette évacuation n’a été prise par les autorités concernées. Outre la cohabitation avec des réfugiés, les étudiants font aussi face à des difficultés liées au manque de matériel et à la formation insuffisante. « Il n’y a pas assez d’ouvrages dans la bibliothèque ni d’ordinateurs dans la salle d’informatique », déplore un autre étudiant en troisième année.
 
En dépit de tout, ces apprenants reconnaissent avoir de bons professeurs et un programme presque équivalent à celui des étudiants des sciences de l’éducation. « Mais après nos études ici qui durent trois ans, nous sommes sans statut et n’avons pas la garantie de trouver un emploi. De plus, on ne nous décerne qu’un certificat, alors que notre niveau mérite au moins un diplôme ».
 
Les responsables de l’établissement ne souhaitent faire aucun commentaire sur les conditions d’apprentissage au sein de l’école ni les revendications des étudiants.
 
Le CFEF a été créé pour pallier les problèmes de base de l’éducation en Haïti et pour servir l’Etat, selon ces jeunes en formation, qui regrettent que la plupart des cadres formés à ce centre, s’ils ne sont pas complètement au chômage, travaillent dans des écoles privées. Lors de sa création en 1999, il était question de construire, au fur et à mesure, une annexe dans chaque département. Ce qui n’a jamais été fait.
 
Pour faire passer leurs revendications, plusieurs mouvements de protestation (marche pacifique, arrêt des cours) ont déjà été organisés par les étudiants, il y a environ un mois. « Les responsables du MENFP ont promis de nous rencontrer, mais à chaque fois ils reportent le rendez-vous », dénoncent en choeur un groupe d’étudiants visiblement en colère, qui menacent de reprendre les mouvements de protestation si aucune décision n’est prise dans un bref délai. Ils en ont profité pour exprimer leur mécontentement par rapport à leur « exclusion » au sous-programme d’enquête du programme de scolarisation gratuite de la présidence. « Ils cherchent à anéantir l’unique centre de formation pour l’école fondamentale de l’Etat; c’est une honte », estiment-ils.
 
Au moment où la présidence prône la scolarisation universelle, gratuite et obligatoire, ces futurs enseignants se demandent si une éducation de qualité est possible sans une formation adéquate des maîtres, tout en appelant la MENFP à réviser sa façon de les traiter.