L’odeur du café de Dany Laferrière

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Le personnage principal de cette œuvre est l’auteur lui-même, Dany Laferrière, qui en est également le narrateur. Vieux os, âgé de dix ans nous fait voyager à une petite ville de campagne, Petit-Goâve, pour rencontrer sa grand-mère Da, deuxième personnage de ce merveilleux récit, à laquelle il est profondément attaché et au pied de laquelle il est souvent assis sur une galerie ensoleillée.

Outre ces deux personnages principaux, on peut considérer le café comme l’un des principaux personnages de ce roman. Ce fameux café qui revient de temps en temps tout au cours de l’histoire peut même être vu comme un personnage éponyme par le fait qu’il donne son nom au titre de l’œuvre.

Enfin, Marquis, le chien de Dany, et les fourmis qu’il observe de temps en temps, accompagnent le narrateur du début à la fin et ont donc une place de choix dans le récit.

Dany Laferrière montre sa vision personnelle de la réalité. Il décrit le présent de façon objective et, en même temps, cherche à accrocher son public en l’amenant à réfléchir sur soi et sur le monde qui l’entoure. De là, on peut dire que le narrateur présente l’aspect d’un petit garçon tantôt ouvert, tantôt replié sur lui-même.

J’apprécie le sens du  détail du narrateur âgé de dix ans, qui  s’intéresse aux grandes préoccupations de la vie, à la vie, à la mort, aux rêves, à la magie, aussi bien qu’aux fourmis et à ses jeux d’enfants. Sa passion pour les choses simples et l’attention qu’il porte à la psychologie des personnages qu’il peint sont intrigantes. Dans ce roman, il n’y a pas de place pour l’imaginaire, tandis que les images sont abondantes. On a l’impression de lire un journal intime écrit dans un langage poétique avec des jeux de mots qui transperce le cœur et un humour qui fait mouche.

C’est une histoire racontée en de tout petit fragment comme les petites pièces d’un jeu de puzzle que le lecteur doit assembler pour former une grande image. Une façon bien originale pour Dany de raconter la vie de son village et son enfance dans un bouleversement temporel.

Bien que n’étant pas une autobiographie à proprement parler, cette œuvre permet au lecteur de se familiariser avec le petit garçon « observateur » que fut Dany Laferrière, lors de ses dix ans. On parvient à se familiariser avec presque toutes la famille de l’auteur : Sa grand’mère Da qui prépare le café à longueur de journée sur la galerie de sa maison ; sa mère Marie, l’ainée des cinq filles de Da ; ses tantes Renée, Gilberte, Raymonde et Ninine, qui ont l’habitude de s’assoir, elles aussi, sur la galerie, vers la fin de l’après midi, chacune dans son coin préféré et Vava, son brulant premier amour.

On se familiarise également avec la ville natale de l’auteur : Petit-Goâve, qu’il parvient à peindre dans le plus léger détail, si bien qu’on a l’impression d’y être déjà allé.

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Dany Laferrière avec des élè de Saint-louis de Bourdon, lors d’une conférence organisé à l’Institution Saint-Louis de Gonzague, Delmas 33, en 2012.

Echanges captivants sur la littérature et les aspirations littéraires

La journée du vendredi 3 février à l’institution Saint-Louis de Gonzague, à Delmas 33, ne s’est pas déroulée comme toutes les autres pour les élèves de cette école. L’auditorium Saint-Louis s’est paré de ses plus belles décorations pour accueillir les écrivains Léonora Miano et Dany Laferrière dans une atmosphère de joie et de gaieté. Une rencontre enrichissante a eu lieu entre ces jeunes et les deux étonnants voyageurs.

Les élèves du secondaire de l’institution Saint-Louis de Gonzague, auxquels se sont joints ceux des institutions Mère Délhia et Vision nouvelle, ont eu d’intéressants échanges avec les écrivains Dany Laferrière et Léonora Miano, qui leur ont rendu visite dans le cadre de leur tournée d’étonnants voyageurs. Les discussions ont surtout porté sur les oeuvres respectives de ces écrivains.

L’origine et l’objectif de ce festival de littérature et de cinéma ont d’abord été au centre des préoccupations de ces élèves, manifestement accrochés à la lecture.  Puis, ils ont fait montre de leur envie d’en savoir plus sur ces auteurs dont ils se sont empressés de connaître la biographie et la bibliographie. Tour à tour, de multiples questions ont été adressées aux deux invités, qui se sont fait le plaisir de plonger ces jeunes dans leur monde réel et littéraire.

Contents de la vivacité d’esprit des élèves, ils se sont très vite transformés en professeurs qui enseignent à ces derniers comment devenir écrivain. Beaucoup de ces jeunes semblent aspirer à ce métier, mais se demandent s’ils ont quelque chance de réussir ou s’ils sont sur la bonne voie.

La leçon est pourtant très simple, selon les deux auteurs. Pour Dany, il suffit de le vouloir  vraiment. L’essentiel n’est pas de se demander si l’on peut le faire, mais de le faire tout simplement. Le premier talent est la persévérance, a expliqué celui qui a écrit 22 ouvrages littéraires en 30 ans. Il aimerait encore faire mieux, mais des nuits d’angoisse attendent, prévient-il. « Qui va aller plus loin dans ce tunnel ? », s’interroge t-il pour montrer  que l’écriture constitue vraiment un véritable chemin sans aboutissement. « Un chemin un peu solitaire, et on n’a pas vraiment besoin de conseils pour l’emprunter ».

Léonora pense, quant à elle, qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un écrivain modèle. Il faut trouver sa propre voie, sa propre singularité. La seule leçon à tirer des grands  auteurs, selon elle, n’est pas de les imiter, mais de s’en servir comme crayon pour tracer son propre sillon. Le seul conseil est de continuer, si l’on a déjà commencé, et de persévérer. Il n’y a pas vraiment de règle, sinon que d’écrire sans cesse et d’attendre qu’on soit prêt pour la publication. Rien que ça ! Tels sont les conseils prodigués par l’auteure dont le livre préféré est toujours celui qu’elle n’a pas encore écrit.

L’intérêt des élèves  pour ces réflexions littéraires augmentait au fur et à mesure que les écrivains répondaient à leurs diverses questions. Interrogés sur certaines de leurs œuvres, ils  fournissent toutes les explications nécessaires avec patience et modestie, tout en s’assurant de la compréhension de ces jeunes. 

Réagissant sur son livre « Tout bouge autour de moi » retraçant le séisme de 2010, Dany Laferrière pense qu’il fallait absolument en rendre compte. « C’était aussi important que panser les blessures des victimes », dit l’auteur, pour qui l’œuvre en question constitue une relation d’amour entre lui et sa ville. 

Il habite l’Amérique. Dany Laferrière aime dire que son « cœur est à Port-au-Prince, son corps à Miami et son âme à Montréal. » Façon bien personnelle d’habiter l’Amérique tout entière !

Quant à Léonora Miano, née en 1973, à Douala au Cameroun, elle réside en France depuis 1991. L’écriture, dit-elle, est simplement une chose qui lui est arrivée sans qu’elle puisse l’empêcher. Pour Miano, on écrit en raison d’une certaine tournure d’esprit et parce qu’on y est poussé. Elle est l’auteure de plusieurs romans, qui ont remporté divers prix, et également de nombreux textes courts.

Léonora Miano et Dany Laferrière n’ont pas été les seuls à avoir rencontré des élèves. 20 auteurs au total sont allés à la rencontre des élèves de 10 collèges et lycées de la capitale. Cette série de rencontres a débuté dès jeudi avec Yahia Belaskri, Georges Castera, Ernest Pépin, Inéma Jeudi, Yvon Le men et Michel Le bris qui ont visité des collèges et lycée de Port-au-Prince, de Delmas, de la plaine du cul-de-sac, de Pétion-Ville, etc.  Tout cela s’inscrit dans le cadre du festival « Étonnants voyageurs » qui a lieu en Haïti du 1er au 4 février 2011.